NORBERT grommelait dans la cour de sa ferme, le chibre à l’air et le bleu de travail fumant sous l’effet de sa transpiration et de sa conjugaison avec l’air frais du matin. Depuis plusieurs heures il essayait désespérément de triquer pour se pignoler, il voulait maigrir et savait qu’il perdrait à ce petit jeu quelques grammes accompagnés de dépenses calorifiques d’huile de coude.
D’ordinaire il n’avait pas le teint rougeaud mais plutôt blafard sous un crâne clairsemé de cheveux gras et de toutes longueurs. Des croûtes immondes sanguinolaient et laissaient échapper à la lisière de leur cahot sismique, des pellicules grosses comme des flocons de purée industrielle.
Bref, Norbert avait tout pour être une bête de sexe, un phénomène de boîte de nuit hard core trash metal destroy, l’idole d’une populace d’obsédés même pas sexuels ou encore un modèle du genre pour servir le vin de messe. Mais Norbert était passé à côté de quelque chose de très important, il était passé à côté du temps sans se voir vieillir d’une seule ride.
Depuis des années, tous les jours que le diable avait pu faire, il se rendait avant même le petit jour à la traite des vaches. Une fois le camion du laitier partit, il s’armait d’une fourche pour nettoyer l’étable. Quelques mouches plus loin, il s’occupait des porcs qui gueulaient avec leurs petits yeux vicelards dès qu’on leur demandait de sortir de leur flaque de lisier. Idem, il fallait tout y torcher et Norbert s’y employait alors que les auréoles de transpiration rattrapaient celles des jours derniers. Il n’avait pas besoin de se fait de termomètre pour se rancarder sur la température, il lui suffisait de reluquer son polo pour le savoir.
Ensuite Norbert becquetait à la va vite un sandwich immonde confectionné par une vieille de la région qui passait le plus clair de son temps à caresser ses chats lorsqu’elle se trouvait à l’intérieur et faire les poubelles lorsqu’elle se trouvait dehors. Norbert ne devait pas traîner, le nombre de tâche était encore considérable et le moindre dérapage lui occasionnait une nuit blanche.
L’après midi se passait au beau milieu des champs ou on le voyait répandre du lisier, biner, charrier, tailler et vaquer à mille autres occasions. Lorsque le soir tombait Norbert devait remettre cela avec les vaches puis s’occuper des poules et des canards. A ce rythme il n’avait même pas le temps de picoler, se devait être le plus sobre de la région.
Lorsque Norbert avait terminé l’ensemble de ses tâches, il faisait peine à voir tant il se traînait de fatigue pour rejoindre sa piaule ravagée par le temps et les bêtes. Une fois sur place, se contentait d’une gamelle froide négligemment posée sur la paille et s’écroulait de fatigue.
Norbert n’avait droit qu’à une seule journée de repos par an, le jour de noël où il devait se laver dans la rivière, changer de vêtements qui ne faisaient plus qu’un et assister à la messe. Généralement une âme charitable lui passait une boutanche qu’il décalottait au plus vide pour se la siffler et aller ensuite se faire casser la gueule par les pochetrons du coin. Puis le lendemain il était content de reprendre ses bonnes habitudes en se disant que toute autre vie n’était pas faite pour lui.
Or ce jour Norbert ne se comportait pas comme habituellement, il avait arrêté le travail et paraissait quelque peu troublé. Cet enfoiré de fiston avait quelques jours auparavant glissé une revue pornographique dans la couche de Norbert qui avait découvert son contenu après une journée de travail. Norbert avait détrempé sa couche en bavant, il était tellement surexcité qu’il tremblait de tous ses membres. La vision de ces centimètres quarrés de peau dont il ignorait totalement l’existence le perturbait au plus haut point.
Avec ses restes de lectures acquis durant ses plus jeunes années, il avait déchiffré que les femmes aimaient les hommes qui avaient de l’humour. Comme il ne connaissait même la signification de ce terme il était passé au déchiffrage du paragraphe suivant : comment combler son partenaire. L’explication bien que compliquée était accompagnée schémas simplissimes que le glaude avait parfaitement intégré : Il fallait qu’il trique pour attirer des meufs. Au début cela avait été très dur pour lui de se faire une idée mais il se souvint adolescent avoir été embêté à plusieurs reprises par une douleur matinale. Le seul moyen qu’il avait trouvé à l’époque consistait en un cravachage systématique de ce membre qui n‘obéissait pas à sa volonté.
De part les photographies en couleur, Norbert avait pu découvrir certains dessous et certaines pratiques complètement inconcevables pour un esprit aussi simplissime. Lorsqu’il souleva son futal et son calebar maronnasse de crasse, il se rendit compte que son engin se limitait à quelques malheureux centimètres, donc l’exercice du jour consisterait avant de se faire engueuler par le proprio parce que le taf avait été écarté, d’essayer d’avoisiner dans un premier temps les quinze centimètres. D’autre part, il se rendit compte aussi qu’il n’arborait pas de tablettes de chocolat à la façon des mannequins de la revue, il se devait aussi de perdre du poids.
Pour cette raison il se baladait l’engin à l’air et essayait de s’exciter avec difficulté sur le restant des photos encore consultables. En ayant vu la photo d’un taulard se soulageant dans un steak, il avait essayé en vain avec son sandwich d’en faire autant. Moralité, son sandwich était imbouffable maintenant car constellé de poils, fromage et champignons.
Il essaya aussi la trayeuse, cela lui fit plutôt mal au chibre qu’autre chose, il comprit alors pourquoi les mecs se mettaient au bout de quelques allers-retours à gueuler. Forcément il touchait au but. Il mit la pression à fond les ballons et justement les siens furent brutalement aspirés. Une grosse douleur lui envahit le bas ventre, des sueurs froides maintenant lui zébraient le dos. Une douleur telle que celles qu’il avait pu découvrir il y a quelques décennies en se flagellant le chibre parce qu’il se trouvait dans un état turgescent.
De rage il se releva, nom des dieux, il banderait aujourd’hui dusse t-il y laisser son service trois pièces dans des barbelés, mais il banderait. Il se dirigea en direction de la sempiternelle batterie qui dardait ses ondes électriques dans les fils de fer qui gardaient l’enclos ou les vaches paissaient paisiblement sans se douter du drame humain qui se tramait. Se saisissant des deux pinces croco positif et négatif, il se brancha puis fut illico mis au courant. Toutes les trois secondes la batterie balançait un voltage qui venait li grêler les couilles.
Alors qu’il gueulait comme un possédé à chaque décharge, le père Bazzzin ce vieillard acariâtre passa non loin. En entendant ces cris, il se dit qu’une fermière était en train de se faire violenter par son vieux ou son légitime et son instinct lui dicta qu’il y aurait sous peu de la fesse ou du nibard à mater. Il en oublia le grincement de sa prothèse des hanches et pressa le pas pour assister au spectacle. Il fut fort déçu en voyant que Norbert se faisait des petits plaisirs en solitaires.
- Alors Norbert, on se pignole au lieu d’œuvrer dans les champs, tu n’es qu’un métayer, gare à l’avoinée que tu vas te prendre quand ton proprio va se rendre compte de la supercherie vingt dix dioux.
- Aouillle, je comprends pas … Ouaille … je n’y arrive pas … Ouille
- Ben non dix dioux, va ty bien vouloir me dire ce que tu trafiquotes gueulait le vieux en martelant le sol de sa canne. Sinon j’men va prévenir la maréchaussée et ils te montreront de quel bois ils se chauffent.
- Pouah hurla le pouilleux qui venait de faire disjoncter la batterie qui fumait.
Une odeur de poulet grillé envahit la cour et l’autre pingouin était assit le cul dans la boue, l’air hagard.
- J’ai mal et je ne bande toujours pas pleurnicha Norbert en contemplant d’un air dépité son chibre noirci et déplumé.
- Sacré vingt dix dioux d’bon dix dioux, qu’est-ce que tu essayes t’y bien de faire pardi ?
- J’ai dégoté une revue cochonne
- Culbute dans le sillon ? interrompit le père Bazzzin ce vieillard acariâtre par l’odeur alléchée car il avait loupé le dernier numéro.
- Non un truc de la ville, je ne sais pas comment qu’ils appellent.
- Tous des dégénérés en ville, y a qu’a voir ce qu’ils respirent et mangent nom dix dioux.
- Une revue avec des femmes.
- Ah gamin nom dix dioux, tu m’intéresses là, elles étaient comment les gonzesses ?
- Euh, les quoi ?
- Ah oui, c’est vrai que tu as passé ta vie dans les champs et dans cette ferme à trimer vingt dix dioux.
- Ben justement, vous tombez bien père Bazzzin, j’ai des conseils à vous demander à vous pour qui la vie n’a plus aucun secret.
Le père Bazzzin à ces mots se mit au garde à vous, c’était trop d’honneur pour lui. S’il avait eu quelques années de moins il aurait certainement triqué.
- Qu’est-ce donc ben ce que tu cherche à savoir gamin.
- J’ai eu une crise de conscience si je peux dire, pas une crise d’intelligence mais une crise de conscience.
- Ah vingt dioux, pour sûr, une crise d’intelligence, ça se saurait surtout venant de ta part, je crois que tout le village pourrait partir à Lourdes.
- Je ne sais pas trop l’âge que j’ai, je doit être aux alentours de soixante ou soixante cinq ans.
- Ah l’âge de la jeunesse, je me souviens nom dix dioux, à cet âge là il fallait que j’aille une dizaine de fois par soir aux putes sinon je n’arrivais pas à dormir, nom dix dioux, qu’est-ce que je leur mettait dans la charnière à cette époque.
- Vous pourriez m’apprendre ? implora Norbert tout en continuant de pleurnicher.
- Mais ton homme est devant toi, j’accepte nom dix dioux d’être ton professeur claironna le père Bazzzin ce vieillard acariâtre.
- Merci répondit Norbert les bras en crois, quand commençons-nous ?
- Ben quelle question nom dix dioux tout de suite, dès que tu auras été te passer les couilles sous l’eau avec un ch’ti coup de dolpic nom des dioux.
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