ALBERT DUGLARD retrouvait la force de bouger. Il ne pétait pas le feu mais donnait quelques signes rassurants de vie. Il avait dû rester dans cet état un sacré paquet d’heure. En tendant l’oreille il entendit les ronflements de Micheline qui viendrait s’allonger de nouveau sur lui d’ici à quelques heures. Albert à cette pensée eut la nausée et trouva la force de bouger. Après maints efforts violents Il se retrouva sur ses cannes. L’horizon n’était pas trop stable mais la peur lui donnait des ailes.
Albert repensa avec horreur à cet affreux bled, à cet infâme troquet et à toutes ces putasses qui ne pensaient qu’a se faire prodiguer des sévices sexuels. Un frisson le traversa lorsque ses yeux s’arrêtèrent sur la caravane. Une larme perla lorsqu’il vit l’état de sa voiture neuve d’il y a quelques jours alors qu’il entamait fièrement sa tournée de ressourcement intellectuel. C’est d’une cure de repos dont il aurait besoin.
A vue de nez, il se rendit compte que sa caisse ne redémarrerait plus, de plus il avait paumé le trousseau de clé et il était hors de question d’aller farfouiller dans la caravane. C’était sa bonne action du jour, Albert faisait don à Micheline de son carrosse qui sentait l’alcool, la clope et la gerbe avec des cuirs attaqués par de très costauds acides. Il se jura de revenir, mais avant il devait fuir, sa vie était en jeu. Après quelques pas, il se rendit compte qu’il ne pourrait pas trop faire de kilomètres à pince car son chibre et ses roustons lui faisaient trop mal. Il prit donc par champ le chemin de l’autoroute. Avec un peu de chance il arriverait sans trop s’arracher de peau de balloche à franchir les barbelés protecteurs.
Le terrain marécageux lui offrait un bain de pied excellent pour la circulation, Albert n’avait qu’à éviter les rats crevés. Il passa devant un car de flics à moitié enlisé, il s’agissait d’un vieux modèle datant de l’après guerre du golfe et qui prouvait que déjà les environs étaient agitées. Il faillit se viander à cause d’une grosse touffe d’herbe glissante et se rattrapa aux branches d’un arbre très bizarre qui schlinguait. Il ne pouvait flairer ses pognes tellement l’odeur était agressive. Après il marcha sur un képi, en jouant avec son pied pour le retourné il se rendit compte qu’il s’agissait d’un képi de préfet, denrée pourtant d’ordinaire assez grave.
Il était coincé derrière le grillage qui protégeait l’autoroute. Le soleil commençait à pointer sévère du nez et c’est à ce moment qu’il se rendit compte qu’au niveau de ses fringues se n’était pas forcément terrible. A faire du stop dans cet état, il risquait de renouer avec son passe temps favori de la veille et il ne le souhaitait pas vraiment. Il fallait qu’il passe de toute façon la clôture et essaya de l’enjamber. Damned il était trop petit et ce qui devait arriver, arriva, il se déchira la peau d’une couille sur un barbelé.
Il cessa donc illico d’essayer de passer et se contenta de longer la clôture vers ce qui ressemblait à une aire de repos. Au fur et à mesure qu’il avançait, son état empirait mais pour se rassurer il vit qu’il avait trace de vie. Il ne possédait pas assez de forces pour ramper et passer complètement inaperçu, mais Albert fit le plus gaffe possible pour ne pas se faire voir. Il arriva au niveau de l’air de repos et constata qu’il y avait pleins de louveteaux et de guides nus en train de faire leurs exercices du matin. Albert ne voulant pas se faire choper pour pédophilie tourna son regard en attendant que cette interminable série de mouvements se termine et que les petits cons rejoignent leurs bus et se cassent d’ici.
Une fois qu’il se prit les gaz des bus dans les narines, il sut qu’il pouvait maintenant investir cette aire de repos afin d’y trouver un vieux haillon qui serait certainement moins pire que ce qu’il portait. Il trouva un passage dans le grillage où il ne risquait pas de s’arracher quoique ce soit. Il faillit pourtant s’éclater sur des capotes usagées encore bien lubrifiées mais se rattrapa de justesse à une poubelle. Il se sentait mieux, ses réflexes étaient revenus. Il alla aux cagoinces se refaire non pas une beauté mais un lavage à la surface de son cerveau endolori. Au sortir de cet antre de délice peuplé de cafards, mouches et autres bestioles appétissantes, il se sentit regaillardit d’autant plu que son regard était tombé sur un tas de fringues abandonnés.
Quelques heures plus tard alors qu’il avait été pris en stop parce qu’il avait promis une rente à vie au chauffeur, il était assit peinard dans une bagnole certes un peu vieille mais qui au moins roulait et n’empestait pas d’odeurs viscérales. Le chemin pour la capitale était fort long et il s’assoupit plusieurs heures durant. Il dormit tellement profondément qu’il ne se rendit même pas compte que son chauffeur c’était arrêté, l’avait violé à plusieurs reprises et avait proposés aux routiers de l’ère de repos des passes à 5 euros. Albert se fit bourrer, bourrer et ratatam. On pouvait entendre à plusieurs mètres à la ronde à chaque va et vient, le ‘clac’ caractéristique du bourreur né et resté gros bœuf. Effectivement, les rustauds filaient leur biffeton de 5 euros, dégrafaient leurs falsards qui en dégoulinant le long de leurs jambes blanches, striées de varices et de poils. Un slibard d’un autre siècle, tant pour le modèle que pour la propreté apparaissait. Certains ne prenaient même pas la peine de l’ôter, la bite passée par le kangourou sodomisait le dormeur. Une fois qu’une trentaine de ventripotents furent passés sur Albert, celui-ci commença à remuer les sourcils signe qu’un réveil ne serait pas loin.
Le chauffeur refringua Albert et le réinstalla à l’avant de sa caisse. Une fois que ce dernier se réveilla, il lui expliqua que le moteur chauffait et qu’il avait dû s’arrêter sous peine de faire exploser le moulin. Albert en s’étirant eut un gros mal de cul mais mit cette douleur sur le compte de la quantité astronomique d’alcool ingérée ces derniers jours. Il était persuadé de sa nouvelle théorie qui consistait à combattre le feu par le feu, c'est-à-dire dans son cas, combattre la murge par une nouvelle murge encore plus cramoisie. C’était décidé, d’écrivain pornographe il passerait à écrivain bidon en conseils à la con.
Alors qu’Albert s’éloignait de la caisse pour aller dégorger le poireau et se boire un jus de chaussettes pas bon marché, le chauffeur en profita pour grimper dans son véhicule et appuyer sur le champignon à fond les ballons de sorte à s’éloigner le plus vite possible de sa victime. Il n’avait pas encore eu le temps de faire le point sur la recette du moment mais celle-ci devait s’élever à 155 euros, le commencement de la fortune quoi. Il s’éloigna donc en chantonnant, lui aussi avait trouvé sa nouvelle voix : prendre des auto stoppeurs, les droguer, les faire à leur insu tapiner et les laisser moisir pour trouver un nouveau volontaire.
Albert ne comprit pas pourquoi en position de l’œuf sur les toilettes à la Turque, il eut autant d’aisance pour se soulager les boyaux. A un tel point qu’il s’éclaboussa à plusieurs reprises. Lorsqu’il jeta un œil au trou, il ne comprit pas pourquoi il y avait plusieurs couleurs, comme si quelqu’un avait chié puis se serait barré sans tirer la chasser et d’autres seraient venus ensuite pour se branler et balancer moultes salves de jute. Ensuite comme il n’avait plus de ronds, il ne put se faire un petit kawa réparateur, il se contenta donc dans la méga poubelle, de finir les fonds de gobelets.
Il tourna plusieurs minutes sur le parking histoire de retrouver la caisse de son sauveur et dû se rendre à l’évidence qu’il c’était fait salement larguer. Tant mieux, pensa t-il comme cela il s’épargnait une rente supplémentaire à vie.
Il se mit en position d’autostoppeur à l’entrée de l’autoroute et ne comprit pas pourquoi les routiers qui passèrent les quatre heures suivantes, soit regardaient ailleurs de manière forcée, soit se marraient carrément en passant à son niveau.
Il se fit prendre alors qu’il commençait à coup de soleiller sévère, par un type sympa qui n’avait rien à dire et qui ne disait rien : oh comble du bonheur. La seul chose énervante était qu’il se contentait de mâchouiller à longueur de journée un mégot crasseux qu’il basculait de chaque côté de ses lèvres suivant les virages, comme pour faire un contre poids.
Albert ne dormit plus, il avait trop mal au fion. Il cogitait donc il était. Il venait enfin de trouver l’idée du siècle, Saint Saturnin les Bains deviendrait la nouvelle capitale de la débauche. Avec les gus qu’il avait rencontré, les nymphomanes et l’ambiance hautement orientée picole, il ne restait qu’à installer quelques troquets supplémentaires, quelques maisons de jeux et surtout quelques maisons closes. Bref un investissement modique pour la tune que cela lui rapporterait.
Durant tout le voyage, il cogita sur sa reconversion. Il avait bien quelques relations mais avec qui il fallait coucher pour obtenir quelque chose. Albert se refusait à cette idée pour le moment. Il lui fallait faire une grosse pub sur les lieux afin de susciter la curiosité des glaudes parisois. Comme financièrement l’entreprise serait ric rac tout au moins à ces débuts, Albert devrait se démerder pour que quasiment tout soit gratos. Un bon vieux scandale à Saint Saturnin les Bains, un truc bien gras entre le curé, le maire et les membres de l’association des catholiques anonymes.
Même pas besoin de retourner dans le bled, trop dangereux dans l’immédiat. Une simple lettre anonyme à quelques organismes de presse bien placés et la diarrhée journalistique se chargerait comme d’hab de déballer sur la place publique les dessous insoupçonnés.
Alors qu’ils étaient coincés dans les embouteillages du périf, Albert de joie largua une grosse caisse et se fit immédiatement descendre par le propriétaire de la caisse qui lui expliqua gentiment qu’additionné de pollution, ce type d’odeur donnait un goût au tabac.
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