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Françouais continuait de plus
belle ses commentaires à la radio pour tenter de faire revenir
le calme dans les esprits. Il fallait aussi qu’il passe pour
le héros du jour et jusqu’à présent il
y était parvenu et l’illusion demeurait parfaite, tout
le monde pensait qu’il s’agissait de l’homme de
la situation.
- Mesdames et messieurs,
nous venons d’apprendre que monsieur le préfet va arriver
d’une minute à l’autre, il est pour le moment
bloqué dans les embouteillage mais espère rapidement
être parmi nous afin de pouvoir être filmé durant
les actions de sauvetage et réitérer son mandat. D’autres
sponsors se sont proposés pour les apéritifs, la boisson
et les digestifs de notre buffet campagnard de ce soir mais la liste
est maintenant trop longue pour être énumérée.
Lorsque le cours normal des émissions sera revenu mes confrères
vous listeront en détail l’intégralité
de nos généreux donateurs.
Devant le troquet,
on entendait du boucan dans la cabane à chiotte du père
Bazzzin ce vieillard acariâtre.
- Ben dix dioux
d’nom dix dioux, comment que j’vais caguer mi maintenant
avec la bassine renversée et tout ce brun dans ma cabane.
D’nom dix dioux si je tenais le p’tit saloupiaud qui
m’a fait ces misères que je lui casserais ma canne
sur les reins et foutrait mon chibre dans l’cul.
Le vieux grommelait
en remettant de l’ordre dans sa cabane. Visiblement il n’avait
pas du tout capté que l’alerte se trouvait à
son paroxysme et que Saint Saturnin les Bains flambait. Il finit
par remettre la bassine droite et baissa ses braies pour poser sa
pêche. Il trouva bien que cela sentait bien un petit peu le
cramé mais cela ne le dérangea pas outre mesure. Il
irait ensuite s’en jeter un petit au troquet.
Le troquet avec
la maison des vieux, était le seul local à ne pas
cramer, effet du hasard ?
- Mesdames et messieurs,
gardez votre sang froid, l’armée et une nouvelle vague
de secours arrive, cette fois sera normalement la bonne. Accrochez
vous il n’y a plus que quelques minutes de patience à
avoir. Et souvenez-vous surtout que nous reconstruirons tous ensemble
nos maisons. Chaque pierre brûlée sera grattée.
Des véhicules
lourds de l’armée approchaient. Par mesure de sécurité
les pompiers restaient derrière histoire d’éviter
de nouvelles déconvenues. Comme promis les pompiers de Goudriole
les Fiotes faisaient partie des secours, les deux pompiers étaient
d’ailleurs en train d’astiquer leur casque afin de mieux
passer auprès de la population féminine.
Les gens bloqués
sur l’autoroute étaient sortis de leurs véhicules
pour applaudir les sauveurs velus verts. Certaines femmes se prenaient
des mandales de la part de leur compagnon sous prétexte qu’elles
regardaient avec trop d’insistance ou trop d’érotisme
les gus qui paradaient. Pour en rajouter un petit peu certains soldats
vidèrent leur chargeur en l’air. Un tank zélé
balança un obus qui manqua de peu le coq du clocher de l’église
mais qui s’écrasa sur le toit du troquet de Goudriole
les Fiotes. Il y eut un bruit sourd puis beaucoup de fumée,
un vent de révolte souffla à Goudriole.
Le char se prit
la dernière mine dans une chenille. Françouais n’y
croyait plus car pensait que tout le stock y était passé.
Comme le conducteur paraissait plus abruti que la moyenne, l’autre
chenille qui continuait de fonctionner fit tournicoter le char sur
lui-même. Les bidasses sautèrent de leurs véhicules
et s’éparpillèrent dans la nature. Certains
s’engluèrent dans le marécage et on les voyait
gigoter comme de vulgaires pantins en hurlant.
Les incendies commencèrent
à s’éteindre d’eux même, non pas
à cause ou grâce à la population mais tout simplement
parce que tout se qui devait brûler avait brûlé.
Les soldats tiraient comme des cons en direction des véhicules
de pompiers incendiés tuant de ce fait les derniers rescapés.
L’affaire
prenait une plus grande tournure, un hélico arriva pour hélitreuiller
monsieur le préfet qui pleurnichait car dès qu’il
était soulevé dans les airs et qu’il n’avait
pas son nounours. Du fait qu’il était maculé
de boue, personne ne remarqua qu’il se faisait dessus de peur.
Quatre avions de
type Canadairs arrivèrent pour en finir avec ce satané
feu.
- Mesdames et messieurs,
vous risquez d’être arrosé car des avions spéciaux
s’apprêtent à larguer suffisamment d’eau
pour arroser vos poireaux jusqu’à l’été
prochain. Ne vous inquiétez pas, ils l’on faite tiédir
pour ne pas saisir ceux qui auraient mangé depuis moins de
trois heures. Serrez les fesses et tout se passera bien.
Les quatre zinc
passèrent une première fois dans un vacarme effroyable,
ils firent un majestueux demi tour, ce qui laissa le temps à
l’hélicoptère de larguer son paquet puis passèrent
rase motte. Ils larguèrent la flotte avec toutes les saloperies
qu’elle pouvait contenir car ils avaient été
la récupérer dans un lac constellé de canettes,
boutanches, papelards gras et autres saloperies du genre. La quasi-totalité
des feux s’éteignit. Ceux qui avaient encore de la
mousse à raser furent rincés à l’eau
croupie et une odeur de vase envahit le bled.
Monsieur le préfet
dans un état lamentable fit un nouveau discours devant une
véritable équipe de journalistes cette fois. Comme
il faisait des liaisons avec ses discours précédents
personne n’entrava que dalle à sa parlotte.
La populace applaudissait
à tout rompre et les pilotes des Canadairs fort fier de cet
accueil tentèrent un troisième passage. Ils se mélangèrent
les pinceaux et deux d’entre eux s’embrassèrent
et tombèrent dans le marécage juste sur une camionnette
de flics qui marinait depuis un certain nombre d’années
déjà. La famille hérisson applaudit de longues
minutes devant ce spectacle. Il ne restait plus qu’à
l’armée de dégager les accès pour libérer
la population et au contribuable de pleurer à cause de ce
nouveau gâchis.
- Le patron du bistrot
m’annonce que lorsque l’armée sera parmi nous,
il nous payera une tournée générale. Mesdames
et messieurs gardez votre sang froid, c’est presque terminé
vous n’avez plus rien à craindre.
Une meute sauvage
approchait et fit tourner la tête de tout le monde. Ces gens
visiblement fort mécontents hurlaient des slogans incitant
à la haine. Il venaient de Goudriole les Fiotes et étaient
armés de fourches et de gourdins. Le service d’ordre
craint un moment qu’une guerre civile éclate tant les
autochtones paraissaient en colère et chargés. Plus
ils se rapprochaient et plus le sentiment de crainte était
net. Les Saint Saturnois se turent devant tant de raffut, ils pensaient
qu’ils allaient tous se faire casser la gueule sans ménagement
par leurs ennemis de toujours. Les Goudriolais s’arrêtèrent
devant les premiers bidasses et en chopèrent une cinquantaine
qu’ils tinrent par les oreilles. Ils les obligèrent
à les suivre tout en continuant de brailler leurs slogans
hostiles. Visiblement ils les ramenaient à Goudriole les
Fiotes pour qu’ils reconstruisent le troquet qu’ils
avaient dézingué.
Le restant de bidasse
s’acharna de longues heures durant sur les carcasses qui bloquaient
le passage. Malgré toute leur intelligence et bonne volonté
ils ne réussirent pas à en bouger une seule de plus
de cinq centimètres. Françouais les attendait de pied
ferme et avait hissé ses morceaux de ferraille et de radiateurs
sur le toit de la radio.
Les bidasses réussirent à ouvrir le passage en faisant
un nettoyage systématique à la grenade ce qui défonçait
complètement les voies d’accès. Quelques véhicules
passèrent et ils furent accueillis en véritable héros.
Lorsqu’ils passèrent au pied de la radio, Françouais
n’eut qu’à pousser son tas de saloperie. Un sergent
qui conduisait un véhicule se prit un radiateur en fonte
sur la calebasse, heureusement il portait son casque dur mais il
ne sembla pas dans un premier temps trop affecté. Visiblement
le choc lu avait niqué les quelques derniers neurones qui
lui restaient et il ne pouvait plus coordonner ses mouvements. Il
envoya valdinguer son engin dans la boulangerie. Lorsqu’il
sortit de tout ce bordel, son dernier réflexe fut de se foutre
au garde à vous et d’attendre les ordres. D’autres
bidasses se prirent des objets lourds sur la gueule et furent condamnés
à la même sentence.
Le commandant en
chef qui s’énervait de voir son armée fondre
comme une peau de chagrin décida que le temps de riposter
contre cet ennemi invisible était venu. Il fit balourder
le restant des munitions sur Goudriole Les Fiotes. Il ne se souvint
que plus tard qu’un certain nombre de ses hommes étaient
à Goudriole sous le feu allier. De rage il jeta son casque
par terre et se frappa les couilles contre un tuteur de ficus. Les
gens qui l’observaient dans sa commandantomobile grimaçaient
de douleur pour l’accompagner mais comme il s’en voulait,
il continua le rituel improvisé.
D’autres saloperies
continuèrent de dégringoler et Françouais en
profita pour retrouver son micro.
- Mesdames et messieurs,
maintenant que l’incendie est circonscrit, il faut vous protéger
car des objets non identifiés pleuvent. Je viens d’apprendre
que Louisette Satremble la présidente de l’amicale
des introductrices de bâtons de verger venait d’échapper
de justesse à un gouvernail de sous marin. Abritez-vous là
ou vous le pouvez mais ne restez pas à découvert car
nous sommes bombardés. Il paraîtrait que ces objets
risquant de vous blesser proviennent de Goudriole les Fiotes, ils
sont fortiches à Goudriole pour nous balancer des trucs alors
qu’on ne leur demande absolument rien. Mais rassurez-vous,
on ne va pas les laisser faire, nous allons riposter et ils verront
bien que nous ne sommes pas des lopettes et ce n’est pas en
faisant semblant de nous aider comme ils l’ont fait ce matin.
Les gens levaient
vers le ciel des poings rageurs, une descente serait certainement
organisée par Françouais ces prochains jours et les
enfoirés s’en prendraient plein la tronche.
Les Goudriolais
se prirent quand à eux une rafale de pruneaux et d’obus
en tout genre qui grêlaient sur les toitures, ils savaient
d’où cela venait ce qui n’arrangeait pas les
choses. Les connards reprirent leurs massues et repartirent en guerre.
Ils avançaient vers Saint Saturnin les bains en martelant
le sol du pied et cela fit fuir les bêtes.
- Mesdames et messieurs
reprit Françouais qui était décidément
bien au courant de tout. Les Goudriolais refont une descente dans
notre merveilleux petit village. D’ordinaire je vous inciterais
à combattre mais là nous avons l’armée
pour nous défendre, laissez donc faire les professionnels,
ne vous en mêlez surtout pas.
A ces mots, la maire
fut prit d’un sanglot d’émotion, Françouais
cherchait même à éviter l’affrontement
direct, il protégeait le citoyen de la baston généralissime.
- A moi mes valeureux
soldats, ne nous laissons pas faire et regroupons-nous avant la
charge finale qui fera fuir ces poltrons hurla le commandant en
chef en brandissant un rouleau à pâtisserie dérobé
à une mégère qui avait réussit à
le sauver de l’incendie.
Les bidasses se regroupèrent aux pieds de leur commandant
et triquèrent pour faire plaisir au commandant, rien ne pouvait
plus l’exciter que ce genre de démonstration avant
un combat. Les braves gens, ils l’aimaient, ils le suivraient
n’importe où ! Le commandant regretta de ne pas avoir
fait venir son aide de camp qui aurait pu le branler en lui chantant
des chansons de parade militaire.
Ils chargèrent
en braillant comme des marchands de poisson avant l’apéro.
Ils partirent dans la mauvaise direction, celle de l’autoroute
puis bifurquèrent entre plusieurs carcasses de camions encore
fumantes, il s’agissait d’une technique pour prendre
de l’élan. Ils fondirent sur les Goudriolais et se
matraquèrent la gueule jusqu’à ce que soif s’ensuive.
Françouais
laissa très poliment sa place au speaker officiel de la radio
qui avait enfin réussit à sortir sa grosse restée
plusieurs heures durant le cul coincé dans la cuvette des
cagoinces. Elle s’en était tirée quasi indemne
avec une grosse marque de ventouse sur la fesse gauche, seules ses
loches étaient couvertes de suie mais ne paraissaient pas
avoir trop grillé.
Toujours le cul
dans son treillis Françouais fit le tour du propriétaire,
il inspecta les locaux qu’il avait tant détériorés
quelques mois auparavant. Les travaux ne laissaient maintenant presque
plus rien paraître hormis quelques auréoles ça
et là qui avaient échappées aux pinceaux agiles
des peintres. Seul le râtelier de la mère Simone qui
le suçait toutes les heures était resté dans
le bac Riviéra au pied d’une plante tropicale.
Alors que son remplaçant passait un petit air d’accordéon
histoire de maintenant faire retomber la pression, il entendit quelqu’un
dévaler les escaliers. Aux bruits de l’essoufflement
et des pas il lui sembla reconnaître le propriétaire.
Il descendit alors qu’il entendit les bruits se rapprocher
mais la minuterie qui venait d’en finir avec la vie coupa
l’électricité. Tel un somnambule il tâtonna
le long des murs pour retrouver l’interrupteur. Visiblement
la personne qui arrivait en face c’était vautrée
car il y eut un bruit sourd puis plus rien. Françouais farfouilla
dans son treillis mais rien à faire il avait oublié
son briquouze et fut donc contraint de jouer de ces doigts.
Après plusieurs
minutes de ce manège il ne trouvait toujours pas et s’accroupit
pour trouver émergeant du sol, les câbles qui le mèneraient
au bouton salvateur. Il tomba sur quelque chose de velouté
et mou, cela ne ressemblait pas à quelque chose qu’il
connaissait. Avec son index il farfouilla sur le pourtour de ce
qu’il avait pointé et sentit des petits poils. Il y
mit un deuxième doigt mais ne fut pas trop rassuré
et sentit une légère protubérance qu’il
titilla. La protubérance devint plus dure et paraissait se
frotter sur son doigt. Il bougea d’un coup sec son index,
se fit mordre puis plus rien, juste des petits bruits de galopade.
En ramenant son doigt meurtri à son groin il reconnu en reniflant
l’odeur caractéristique du rat, il avait tout bonnement
pour la première fois de sa vie branlé un rat dans
le noir.
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