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Françouais dans son antre dégueulasse
avait briqué comme au bon vieux temps ses chaussures avec
des boulets de charbon. Il en avait gardé trois pour mettre
dans son apéro, la journée s’annonçait
sévère. Ses lacets étaient tellement pourris
qu’il les avait remplacé par du fil de fer ; plus pratique
et plus efficace. Debout, la paire de lunette noire avec un verre
pété sur le blair, les jambes écartées
et les mains sur la ceinture, il fixait l’horizon gris. Sale
dimanche pensa-t-il et surtout pour les Saint Saturnois.
Les cloportes commençaient
tous à se réveiller et cela gigotait sévère
dans les chaumières. Les femmes rallumaient les feux de cheminée
pour préparer la soupe dominicale. Plat locale exclusivement
composé des restes de soupe du dimanche d’avant et
de tous les restes de la semaine. Les colonnes grises de fumée
rajoutaient encore plus de nostalgie dans ce paysage bucolique.
Non loin de la maison de retraite, dans une baraque hors d’âge,
un gros rougeaud comme on les faisait bien jolis dans la cambrousse,
en marcel et sans calebutte car il ne supportait pas de dormir les
couilles prisonnières dans un kangourou parce que ceci l’oppressait
considérablement, marchait en faisant traîner ses charentaises
trouées. Il ne s’était même pas rendu
compte que le rideau était ouvert et qu’avec la lumière
toute la maison de retraite pouvait mater ses coucougnettes qui
pendaient jusqu’aux genoux autour d’un riquiqui chibre.
Le rougeaud se curait
le nez avec le pouce car les autres doigts n’étaient
pas assez gros pour y déloger les morceaux qui roupillaient
depuis des lustres dans ses narines. Cela constituait sans aucun
doute sa toilette hebdomadaire. Il alla poser sa pêche sur
un trône jaunâtre par les coulures et salissures en
se saisissant d’un morceau de journal de la même couleur.
Fait exceptionnel, après s’être curé le
nez il se curait les dents certainement pour y déloger quelques
petits bouts de viande vicelards attrapés l’avant-veille.
Tranquillement assit, il ouvrit son journal et écarta les
guibolles car son bide était trop lourd à porter sur
ses genoux. On pouvait le voir grimacer, mais de l’extérieur
il était impossible de déterminer s’il poussait
ou alors si les nouvelles relatées dans le canard faisaient
réagir son cerveau.
Une chose était
sûre, c’est que les boulettes qu’il extrayait
de son tarin étaient systématiquement collées
sur le rebord de la cuvette avec celles de la semaine dernière.
Françouais
estima qu’il pouvait commencer à intervenir. Il se
signa d’un signe de la croix puis prit son élan pour
shooter dans une citrouille miraculée. Il l’explosa
et cela était pour lui un excellent présage. Il se
saisit du nombre maximal de boutanche contenant des produits inflammables
et rebouchées par des torchons puis d’une pelote de
ficelle. Le plus dur fut de grimper sur le premier toit car la quantité
d’alcool ingérée dans la nuit et au petit matin
n’améliorait pas les choses. Il faillit se trasher
à plusieurs reprise mais tint bon. Il savait ce que cela
voulait dire pour lui si un autochtone le trouvait dans son jardin
avec tout les dégâts qu’il avait déjà
occasionné : dans le meilleur des cas, le pruneau dans le
cul.
Sur chaque cheminée,
il accrocha la ficelle qui tenait la boutanche prête à
exploser. Les débuts furent périeux mais il prit rapidement
de l’assurance et la plupart des cheminées du bled
furent rapidement équipées. L’idée était
fort simple, le feu en chauffant le conduit de la cheminée
finirait par mettre le feu à la ficelle ou au torchon et
la boutanche tomberait dans l’âtre.
Le gros rougeaud
joua des moustaches et fronça des sourcils lorsqu’il
entendit un bruit inhabituel émanant du salon. Il se leva
et avança d’un pas, il poussa un hurlement car ses
couilles n’avaient pas suivies et restaient coincées
dans la cuvette. Malgré l’élasticité
de sa peau liée au poids des années, il grimaça
de plus belle et de l’extérieur on pouvait se rendre
compte pourquoi il se trouvait dans cet état. Quelques vieilles
qui ne voulaient rater sous aucun prétexte le lever du roi
du lit et le lever du roi du trône jouaient des coudes pour
se trouver au meilleures loges et ne louper aucune miette de se
superbe spectacle. D’angoisse, elles se mordaient les doigts
voire les poings, le rougeaud arriverait-il à se délivrer
? Il fit marche arrière et présenta son joli profil
de pourceau de 150 kilos. Les admiratrices furent comblées
et certaines tentèrent même de se jeter par la fenêtre.
Les coucougnettes se libérèrent et partir frapper
violemment l’hypocondre du rougeaud qui se tordit de douleur.
La dulcinée,
une charmante retraitée de 100 kilos débarqua à
la porte de la pièce pour s’enquérir de l’origine
de ces cris et elle vit le mastodonte à quatre pattes, le
cul à l’air braillant tel un pachyderme heureux d’avoir
réussit à faire du toboggan. Le rougeaud, le marcel
constellé d’auréoles et les épaules couvertes
de poils noir à souhait était rouge comme une tomate
au bord de la déconfiture. Elle ne pu y résister et
sauta sur le dos de son mari et s’accrocha des deux mains
aux poils des épaules. Le rougeaud gueula de plus belle et
essaya de désarçonner sa cavalière en ruant
et se cabrant. Les vieilles à croc de ce spectacle complètement
inédit se bouffaient les peaux mortes des coudes lorsque
quelques unes n’y tenant plus se jetèrent dans le vide.
La dulcinée
perdait à chaque ruade quelques bigoudis et en profitait
pour talonner le vieux pour l’exciter encore plus. Elle se
débarrassa de sa chemise de nuit pour pouvoir continuer son
rodéo plus à l’aise. Ses loches volaient en
cadence et il était fort agréable de voir ces mouvements
idylliques de gras et les vieilles aux fenêtres piaulaient
d’excitation. Les infirmières en chef de la maison
de retraite virent récupérer leur fond de commerce
avec des verges de bois vert. Les vieilles se laissèrent
quelques instants fouetter en poussant des petits cris de jouissance.
Lorsque les infirmières en chef se rendirent compte du spectacle
qui se déroulait à quelques mètres elles appliquèrent
des mesures plus radicales pour gagner les premières place
: des coups de latte dans la gueule. Certaines vieilles tombèrent
au sol et furent piétinées sans aucun ménagement
par les infirmières avides de ce spectacle gratuit et inédit.
Le rougeaud se cabrait
de plus belle et la dulcinée qui tenait toujours prise dans
sa fourrure lui fit une épilation des épaules sans
supplément de prix. Avec l’élan elle décolla,
alla percuter l’armoire à pharmacie et choir sur le
bidet sous une pluie de médicaments périmés.
Le rougeaud tel
un animal sauvage que l’on tente d’apprivoiser continua
quelques instants ses ruades lorsqu’une odeur de cramé
remit son esprit en place. Il se redressa lentement, son pénis
dans l’action avait un petit peu durcit et il s’en rendit
compte en se regardant dans la glace car depuis belle lurette il
ne savait plus à quoi il ressemblait. A un rythme de trois
rodéos par jour, je pourrais envisager au bout d’une
bonne quinzaine d’années, de troncher à nouveau
la petite dame qui lui servait de vide couille depuis un nombre
incalculable d’années.
La vieille rouvrit
les yeux et recracha quelques médocs et sourit à son
bellâtre. N’écoutant que son courage il l’a
chopa en levrette et oublia tous ses complexes accumulés
depuis des années et la bourra en la faisant tellement crier
que les fenêtres et le plancher tremblaient. Les infirmières
en chef s’introduirent des poings pour profiter à fond
du spectacle.
Une camionnette
de flics fonçait dans la campagne pleins phares et toute
sirène hurlante. Le maire qui ne voulait pas que son bled
soit de nouveau ruiné avait durant la baston, illico appelé
les flics pour qu’ils remettent un peu d’ordre dans
tout ce bordel. Les premières maisons de Saint Saturnin étaient
en vue lorsque la camionnette roula sur une mine déposée
par Françouais.
L’explosion
acheva de réveiller les derniers traînards qui gigotaient
dans leur pucier comme des insectes que l’on aurait mit sur
la carapace. Françouais avait maintenant bouclé sa
ronde des cheminées et reprit sa place initiale avec la même
pause en souriant bêtement.
Au loin des silhouettes
enflammées tentaient de s’extraire d’une camionnette
qui avait versé dans le fossé, Françouais fit
un bras d’honneur dans la direction puis serra le poing pour
célébrer sa première victoire. Il s’ouvrit
une bonbonne de gnole qui avait été enterrée
sous le tas de fumier pendant plusieurs décennies par on
ne sait qui et qui avait été trouvée par pure
coïncidence. La rasade fut longue mais bonne.
D’autres explosions
se firent entendre et quelques chaumières s’embrasèrent.
Le maire devant ce spectacle se jeta sur son téléphone
pour prévenir le préfet, les kufs, les pompiers et
l’armée. Le gros boxon était de retour et il
sentait que ce coup ci se serait très violent. Les premières
explosions firent sortir les gens de leurs tanières. L’air
complètement hébétés ils regardaient
dans toutes les directions. Certains étaient nus, d’autres
avaient encore de la mousse à raser sur le visage et tous
se demandaient ce qu’il pouvait bien se passer.
Sur l’autoroute,
les curieux freinèrent pour observer le feu gagner comme
par enchantement les maisons. Il y eut un gros ralentissement puis
un nouveau carambolage comme cela les gens avaient tout le loisir
d’observer ce qui se tramait au village. Les secours ne vinrent
pas car tous les efforts étaient concentrés sur Saint
Saturnin les Bains.
Françouais se rendit dans les locaux de radio Chibre mou
et prit possession du studio d’enregistrement qui avait été
déserté.
Il s’approcha
du micro, s’en saisit et commença comme au bon vieux
temps à déblatérer. Les connards avaient pour
la plupart leur poste radio aux oreilles pour se tenir informer
du nouveau phénomène qui embrasait les maisons.
- Salut bande de
connards, je suis Françouais et suis de retour.
- C’est Françouais
qui est à la radio crièrent les gens.
- Je m’autorise
exceptionnellement à intervenir sur notre radio, la radio
chibre mou de laquelle j’ai été renvoyé
car il se passe des phénomènes inexpliqués.
Les gens se regardaient
les yeux écarquillés prêts à entendre
n’importe quoi.
- Evacuer vos maisons,
évacuez vos maisons, car pour une raison inexpliquée
elles s’enflamment. Ne cherchez pas à sauver quoique
ce soit, cherchez plutôt à sauver vos vies.
Le maire se mit
au garde à vous pour écouter les propos de Françouais
et se dit qu’il était le sauveur du moment, qu’à
ses risques et périls, il était arrivé jusqu’au
micro de la station pour avertir les élus. Cet homme méritait
donc une récompense.
Françouais
entendit les clameurs à l’extérieur, sans aucun
doute il était salué par la population qui le remerciait
de son aide salutaire. Les gens criaient bêtement et applaudissaient
à chaque fois que Françouais jaquetait. Ca y était,
il était reconnu à sa juste valeur, ses potes l’admireraient
de nouveau et les femmes se disputeraient la moindre goûte
de son sperme.
- Ne restez pas
trop prêt de vos maisons, les secours vont arriver ne vous
inquiétez surtout pas. Vérifiez bien que vos proches
et vos animaux soient tous sortis.
Belle maman en entendant
la voix de son ex chérubin, tarta Fiston.
- Espèce
d’imbécile, si j’apprends qu’il s’agit
d’une de tes nouvelles bêtises, tu finiras tes jours
dans la porcherie avant de te retrouver en saucissonaille dans un
étalage. Ecoutes un petit peu ton paternel qui au péril
de sa vie est retourné à la radio pour nous avertir,
c’est notre sauveur.
Fiston avec l’élan
de la tatane valdingua dans des poubelles et se consola en pleurnichant
en mangeant des épluchures de pomme de terre et des arrêtes
de poisson.
Belle maman, aussi au garde à vous entonna un chant religieux.
Les gens la voyant ainsi entonnèrent à leur tour le
chant et se mirent au garde à vous. Une fois le chant terminé
se fut au tour de la Marseillaise. Les gens pleuraient d’émotion
et Françouais chantait aussi devant son micro.
Le maire vérifia
discrètement que personne ne pouvait le voir et lorsqu’il
en eut la confirmation, descendit son falzar pour se branler. C’était
trop d’émotion pour lui que d’entendre ses concitoyens
chanter devant les éléments déchaînés.
- Les premiers camions
arrivent, il n’y en a plus que pour quelques instants, tenez
bon. Vous vous mettrez immédiatement à disposition
pour donner un coup de main aux hommes du feu. Je répète
les camions arrivent, les Saint Saturnois parlent aux Saint Saturnois.
A ces mots, certaines
personnes âgées tombèrent dans les pommes d’émotion
mais furent relevés par les plus jeunes.
- Ne vous en faites
pas, nous nous entraiderons pour tout reconstruire et je propose
que les valides préparent dès que les feux seront
circonscrits, un buffet campagnard avec quelques tonneaux de vin.
- Hourra hurlèrent
les gens ivres de bonheur.
Françouais avait sur ce coup bien joué, la partie
était bien engagée pour se terminer par une murge
globale qui remettrait les pendules à l’heure.
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